Le visiteur
Maria remercia Babeth et quitta la roulotte, satisfaite. Elle n’avait pas grand-chose pour la payer. La pythonisse n’acceptait pas d’argent. Les gens lui donnaient ce qu’ils voulaient. Peu repartaient sans rien laisser.
La femme lui avait donné des œufs. Ses poules pondaient plus qu’elle ne pouvait consommer. Cependant, elle aurait aimé faire plus. La voyante lui avait été conseillée par une amie et elle n’était pas déçue de la consultation. C’était une nouvelle Maria qui s’en allait.
Le regard de Babeth fut attiré par un homme debout près du cheval de la devineresse.
Une fois Maria partie, il s’approcha.
— Babeth Lamorthu ?
— Ça se pourrait. Vous êtes ?
— Dominique Degard, de la police d’Amiens.
— La police ? Mais je n’ai rien à me reprocher, moi ! Je suis une femme honnête !
L’homme cacha sa stupeur. Il ne s’attendait pas à cet accueil.
— Je vis de la vente des produits que je fais moi-même. Il n’y a rien d’illégal dans tout ça. Les consultations de voyance sont à titre gratuit. Je ne monnaye pas mon don. Vous pouvez rentrer chez vous. Vous venez de loin pour rien.
Deux heures de route. Il fallait bien qu’il ait une raison valable. L’homme l’interrompit dans son réquisitoire.
— Je ne m’intéresse pas à votre business. Du moins, pas dans le sens où vous l’entendez.
Babeth se tut, interdite.
— J’ai eu vos coordonnées par un ami qui dit que vous êtes la meilleure dans la région.
— La meilleure ? C’est gentil. Mais je n’irai pas jusque-là.
Le policier sortit son portable et l’alluma. Il présenta ensuite l’écran devant la médium.
— Ce visage vous dit-il quelque chose ?
Comment ne pas le reconnaître ? L’adolescente apparaissait partout où c’était possible. Les journaux télévisés. Les réseaux sociaux. Les journalistes parlaient d’elle à la radio. Des affiches étaient placardées partout où c’était possible.
La jeune fille avait disparu depuis plusieurs jours.
— C’est la jeune Océane. Tout le monde la connaît, maintenant. Pauvre gosse.
— Mon ami m’a dit que vous n’avez pas votre pareil pour retrouver des personnes disparues.
— Des personnes. Des animaux égarés. J’ai aidé en effet dans des cas d’urgence.
— Pouvez-vous faire quelque chose pour Océane ?
Babeth fut surprise. On ne l’avait jamais contactée pour des situations aussi médiatisées. Souhaitait-elle ce genre de publicité ?
En fait, peu importait la renommée. La vie d’une enfant était en jeu.
— Suivez-moi.
La voyante guida son interlocuteur dans la roulotte. Ce dernier l’observa sortir une carte de la Picardie et l’étaler sur la table.
— Qu’allez-vous faire ?
— Un scan de la région. Laissez-moi me concentrer.
À l’aide d’un pendule, Babeth parcourut les environs de la zone où Océane avait été vue pour la dernière fois.
Dominique Degard restait silencieux, anxieux de ce qu’elle allait trouver. Le pendule oscillait dans des mouvements qu’il ne comprenait pas, jusqu’à former un cercle autour d’une zone précise.
Babeth traça un cercle au crayon et leva les yeux vers lui.
— Il s’est passé quelque chose par ici.
Le policier se pencha.
— C’est le secteur où Océane a disparu. Nous avons fouillé l’endroit de fond en comble.
— Le pendule s’est arrêté dans cette partie. C’est que c’est important. Avez-vous vraiment tout parcouru ?
Devant l’air choqué de son interlocuteur, la médium se sentit obligée de préciser que ce n’était qu’une question.
— Je ne me permettrais pas juger votre travail. Au vu de ce que dit mon pendule, je dois en savoir plus.
— Nous avons fait le maximum. Des battues dans des zones différentes et parfois aux mêmes endroits à des jours différents. Une brigade cynophile est intervenue. L’étang a été dragué et des plongeurs l’ont exploré. Des hélicoptères équipés de caméras infrarouges ont tourné sur toute la région.
— Qu’est-ce que les chiens ont trouvé ?
— La piste s’arrête net à un endroit, comme si elle s’était soudainement volatilisée.
— De nouvelles recherches pourraient-elles s’envisager ?
Dominique Degard pensa pourquoi pas. Après tout, les corps des disparus avaient parfois été retrouvés dans des endroits déjà fouillés.
— Votre médiumnité ne peut pas vous aider à être plus précise ?
— Ce serait possible dans le cas où Océane serait décédée et vienne me contacter. Ou un autre esprit qui souhaiterait nous guider.
— Vous pensez donc qu’Océane serait toujours en vie ?
— Je n’en sais rien. Je peux juste dire qu’elle ne m’a pas contactée si c’est le cas.
Babeth plia la carte et la tendit au policier.
— Je tenterai autre chose demain. Je vous appellerai si j’obtiens quelque chose.