Visions
Après le départ du policier, Babeth resta songeuse. Elle retourna chez elle et chercha une photo de la jeune Océane.
Puis, elle alluma une bougie et s’installa confortablement.
La médium se concentra alors dans une forme de transe hypnotique. L’image de l’adolescente en tête, Babeth se focalisa sur la disparue.
Après un moment passé dans l’espoir d’obtenir quelque chose, une vision, une visite, la voyante se releva et éteignit la bougie.
Les esprits et les énergies ne donnaient pas toujours le résultat attendu.
Elle quitta sa maison avec le sentiment d’un travail inachevé. Babeth n’aimait pas cette sensation d’échec.
La police lui a demandé de l’aide et elle était incapable de l’apporter. Une enfant était en danger et elle ne parvenait pas à la retrouver.
Pourquoi fallait-il justement que ce fût maintenant que les esprits se décidaient à garder le silence ?
Dire qu’il fut un temps où elle avait l’impression de se retrouver dans la peau de Whoppy Goldberg dans Ghost. Quand elle était constamment assaillie par les esprits. Enfin, dans le cas du film, il ne s’agissait que d’un seul principalement. Babeth, elle, avait eu affaire à plusieurs entités qui voulaient qu’elle transmît un message à leurs proches.
À cet instant, elle aimerait les entendre. Qu’ils lui donnent des nouvelles, des indices. N’importe quoi du moment que ça l’aidait à retrouver cette malheureuse adolescente.
Babeth entra dans l’enclos où son vieux cheval paissait tranquillement. Elle commença à le brosser, toujours dans ses pensées.
Le policier semblait lui reprocher de ne pas avoir tenté de retrouver Océane. Est-ce qu’avoir un don devait impliquer de systématiquement se lancer dans des recherches ? Non. Babeth n’avait pas besoin de se convaincre. Il y avait bien trop de cas de disparitions, tant humaines qu’animales, qu’il était impossible d’intervenir sur chacune.
Non. La voyante agissait uniquement quand elle était sollicitée. C’était sa façon de procéder. Ne pas prendre d’initiatives non souhaitées.
Avait-elle permis une avancée dans l’enquête sur Océane ? Elle espérait que oui. Jamais elle ne s’était trompée.
Babeth achevait de démêler la crinière quand son environnement chavira. L’espace d’une seconde, elle se trouva au sommet d’une falaise, prête à tomber.
Un vertige la saisit. Pour ne pas tomber, la médium se retint à la crinière. Le cheval secoua la tête sous la pression.
— Boops ! Tranquille. Ça va.
L’animal se calma sous les caresses de Babeth.
— Bon, on va arrêter là, mon Boops. Jecrois que les choses vont bou…
À nouveau, le paysage changea autour de la voyante. Elle se trouvait sur la falaise, prête à tomber. D’ailleurs, la chute la ramena à la réalité.
Babeth se trouvait les quatre fers en l’air sous le regard indifférent de Boops.
La voyante se releva difficilement et frotta ses vêtements.
— Celle-là, je l’ai pas vue venir. Sois sage, Boops. Je reviens dès que ça sera passé.
Car d’autres visions allaient venir. Ses demandes étaient exaucées. Elle allait avoir des éléments de réponses.
Pourtant, plus rien ne se passa de la soirée, au grand désarroi de Babeth.
La femme se coucha, dépitée. Demain, peut-être fera-t-elle mieux.
Ce fut la chute qui réveilla Babeth. Surprise, la devineresse comprit qu’elle était tombée de la falaise. Oula non ! Seulement de son lit.
Pourtant, dans son rêve, elle avait bien fait le grand saut depuis une falaise. Puis, elle avait levé la tête et vu la paroi d’en bas. Enfin… pas vraiment d’en bas. Babeth aurait plutôt pensé qu’elle se trouvait au milieu.
Soudain, elle réalisa la signification de sa vision.
La médium attrapa son portable et composa le numéro du policier venu plus tôt.
— Dominique Degard.
— C’est Babeth Lamorthu. La voyante que vous êtes venu voir aujourd’hui. Enfin, hier.
— Écoutez. Il est trois heures du matin. Que voulez-vous ?
— Océane. Je sais où elle est.
— Oui, vous m’avez remis la carte. Les recherches reprendront dès le lever du jour.
L’homme bâilla, pressé de retourner dans les bras de Morphée.
— Je ne peux pas attendre, inspecteur. Je sais où elle est.
— Commandant. Que voulez-vous dire ?
— Je pars tout de suite. Il faut la sauver.
— Vous… Mais… où comptez-vous aller ?
— Sur les falaises.
Les pensées du policier se mélangèrent. Pourtant, il était certain de ne pas avoir vu de voiture chez la voyante.
— C’est à plus de deux heures de route. Vous avez un moyen de transport ?
— J’ai un solex.
Dominique Degard se redressa d’un bond dans son lit.
— Un quoi ?
— Un solex. Je sais, il n’est plus de la première jeunesse, mais il tourne bi…
— Bon, je suis à proximité. J’ai pris une chambre d’hôtel plutôt que rentrer hier après notre entrevue. Je passe vous chercher et je vous conduis sur place.